MATIÈRES

#18 La fin de l'architecture

Texte by ©Pauline Lefebvre

Le projet d’architecture, même s’il peut prendre de nombreuses années, est disruptif et ponctuel. Il se situe à un point donné de la longue vie d’un lieu et génère un avant et un après, « une disjonction entre deux états du monde ». À l’occasion d’une récente conférence sur la place des transformations dans le travail de l’agence bruxelloise Ouest, l’architecte Stéphane Damsin décrivait son « irritation ») face à ce qu’il considérait comme une « dichotomie parfois stérile ou inefficace. [ … ] Même dans la rénovation, il y avait une sorte d’avant-après un peu héroïque où l’avant était toujours nul et après le projet, c’était [ … ] évidemment mille fois mieux, vertueux, la solution – CQFD ! Alors que, [ … ] à partir du moment où on considère le fait de travailler sur [ … ] la 4°, 5° ou 6° intervention sur un bâtiment – pour de nouveaux usages, qui vont eux-mêmes plus tard aussi être réinterprétés – [cela] nous met peut-être dans une position d’humilité ou en tous cas de distance par rapport à cet « avant-après ».

 

Dans leur projet Zinneke, livré en 2022, les architectes l’Ouest étaient chargés, en collaboration étroite avec les spécialistes du réemploi du collectif Rotor, d’adapter une ancienne usine de timbres fiscaux pour accueillir les bureaux et ateliers de l’association bruxelloise Zinneke. La plupart du temps, l’intervention était minimale -« humble ») pour reprendre le terme de l’architecte – et les traces des transformations successives laissées apparentes.

 

Le projet d’architecture a quand même marqué les lieux de son empreinte, par exemple par le biais d’un trait jaune en façade qui signale, certes discrètement, que quelque chose d’important s’est passé derrière ces murs qui, sinon, n’en montreraient rien. Comme l’indique Damsin, « même dans la rénovation », rien ne garantit encore la possibilité de défaire cette « disjonction » liée au projet et à sa temporalité linéaire et disruptive.

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#18 La fin de l'architecture

Year: 2024

Location: Lausanne, Switzerland

L’architecture continue grâce aux proclamations consécutives de sa fin. Ce numéro de matières veut examiner comment ce mécanisme a fonctionné et continue de fonctionner.

 

Faire référence à la terminaison de l’architecture est toujours une redéfinition de sa fin dans l’autre sens du terme: son but, son sens, sa finalité. Cette fin n’est possible que parce qu’il n’y a pas de consensus sur ce qu’est réellement l’architecture, ni sur quoi elle mène. Que se passe-t-il lorsque l’architecture se termine? Ce qu’on entendait par le mot architecture n’existe plus, ou n’est plus jugé suffisant, et se transforme, pour le meilleur ou pour le pire, en autre chose.

 

Pour documenter ou évoquer des moments similaires, ce numéro de matières rassemble des essais dans lesquels une «fin» de l’architecture – historique ou actuelle – est analysée et interprétée.

 

Publisher: EPFL Press

Lenguage(s): FR

EAN13 Book: 9782889155859

 

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